Conférence menée par Isabelle Danel aux Beaux-Arts de Paris
À PROPOS DE PUZZLE 3D
Isabelle Danel : Il y a un certain nombre de choses que tu fais dans ce film -PUZZLE 3D- au générique duquel on voit qu’il y a la musique, le montage et le co-scénario avec Gildas Loupiac et la mise en scène. J’ai envie de dire, tout petit déjà, Sébastien Loghman, trois petits points…
Sébastien Loghman : Oui, effectivement on peut ressentir quelque chose d’un peu ludique dans mes films qui puisent certainement dans l’enfance et dans l’idée de souvenir… Des allers venus comme ça, entre plus jeune et plus vieux. Là en l’occurrence, c’est flagrant je pense.
Un moment donné dans le scénario, je me suis dit, tiens ! C’est certainement la suite de Cantor Dust Man. C’est vraiment le même personnage, voilà.
Isabelle Danel : Et le lien avec le cinéaste en train de capter la scène qu’on voit dans l’image quand même…
Sébastien Loghman : Oui, c’est l’idée d’avoir conscience du personnage tel qu’il était plus jeune. C’est un repère et c’est encore une mise en abyme du médium.
J’ai pensé à André pour ce rôle d’un homme âgé qui contient une certaine mémoire. André S. Labarthe, c’est quelqu’un « contenant de mémoire », en l’occurrence cinématographique…
Isabelle Danel : Il y a quelque chose d’un paysage cinématographique dans son visage. C’est l’homme qui a rencontré tous les plus grand cinéastes de notre temps – c’est le nom de son émission – et je trouve que ça apporte quelque chose de très fort au personnage et au film parce qu’il y a quelque chose qui se raconte tout seul à travers lui.
La cinématographie
Sébastien Loghman : À partir du moment où on a envie de communiquer avec les images , c’est à dire pas forcément qu’à travers une narration ou des dialogues, des histoires classiques, mais réellement investir le domaine de la composition de l’image ou l’invention d’objets, d’accessoires comme vous allez le voir dans Je ne connais pas d’Alice par exemple; ça permet de faire des tableaux vivants comme la photo mise en scène chez Jeff Wall ou Gregory Crewdson. On se retrouve avec une narration dans l’image elle même, qu’elle soit en mouvement ou fixe. Elle raconte une histoire, qu’il s’agisse de psychologie ou d’histoire avec un grand H.
La stéréoscopie de Puzzle 3D
Ce qui est en relief c’est essentiellement ce qu’on voit à l’extérieur.
Tout ce qui est avec André S. Labarthe en intérieur est exactement au niveau de l’écran. Tout ce qui est dans sa tête, c’est comme si on regardait à travers une serrure, c’est en profondeur derrière l’écran.
Le moment où le personnage tend le fossile est en jaillissement : sa main sort de l’écran.
Isabelle Danel : qu’est ce que pour toi ça apporte cette technologie du relief par rapport à ce que tu raconte à par rapport à l’énergie du film ?
Sébastien Loghman : Ce qui est fort au cinéma, c’est l’immersion. Un film dans lequel on ne s’immerge pas est raté. Dans ce cas pourquoi éteindre les lumières ? À partir de là, le relief ne peut qu’aider à ça.
La musique et la plastique sonore
J’ai improvisé au piano sur le film comme on fait sur un film muet. Après j’ai ré-utilisée telle quelle l’improvisation, c’est à dire que je l’ai rejouée telle quelle, à la note prêt, au rythme prêt, à l’hésitation prêt. C’est l’expression au maximum des émotions du personnage. La plupart du temps dans un film, il y a le besoin d’utiliser la musique comme vecteur d’émotion et pour l’immersion.
Ce film a été mixé en 5.1 pour la Géode. L’idée était d’être dans une spatialisation, de resserrer l’espace, d’être soit intime soit vraiment panoramique. Chercher à allier la plastique sonore et la musique pour ce qu’elle a d’essentiel : l’émotion.
À PROPOS DE JE NE CONNAIS PAS D’ALICE
Sébastien Loghman :
Le film Je ne connais pas d’Alice est une sorte d’exposition avec des tableaux vivants qui se suivent.
On est proche du rituel. L’intrigue globale, c’est une histoire de manipulation à travers les outils informatiques, le contrôle qu’on peut avoir sur l’esprit ou les rapports entre individus, au système dans lequel ils travaillent.
Et aussi, il y a une sculpture sur un socle : la boule de chair. C’est un peu une sculpture fictionnelle de « Bio Art ». C’est de la pâte à homme, matière qui pourrait former de l’homme. Je voulais que ce soit parfait. On ne pense pas à la technique, on pense surtout que c’est vivant. C’était à ce point crédible que quand je l’ai touchée, j’avais l’impression de toucher un cadavre. C’est très étrange. C’est peut-être pas vivant, mais en tout cas c’est organique.
Pour moi c’est le cœur de la fiction, ce qui pourrait irriguer l’ensemble de tout ce qui se passe autour à partir des coulisses. Quand Alice la touche et met son doigt dedans, elle l’étouffe littéralement. Un peu comme si elle avait coupées les artères du cœur au reste.
En tuant la boule, elle trouve aussi la clef de ce système.