Le Sommeil
Vidéo interactive en exposition
2005-2019
Concept, prise de vue : Sebastien Loghman
Programmation version exposition : Jean-Michel Géridan
Programmation version Internet : Sebastien Loghman
Au sein d’une vidéo au grain prononcé (night shot) présentée telle un tableau, une femme nue est allongée dos au regardeur. La surface de l’écran est tactile. Un rapport sensuel, érotique, s’engage avec l’image.
VUE D’EXPOSITION
Adam’s CAM
Net-art – 2005
Sur le site Adam’s CAM, une webcam montre une jeune femme endormie. L’internaute peut, en glissant son curseur sur la vidéo, interagir avec elle.
Texte de Joëlle Gauthier dans ALN NT2 (Canada) à propos d’Adam’s CAM et citation de Bertrand Gervais à propos de l’œuvre
Lorsque l’internaute accède au site d’Adam’s CAM, deux options s’offrent à lui: cliquer sur le lien «Witness» pour visualiser l’œuvre dans une petite fenêtre qui s’ouvre discrètement au bas de l’écran, ou encore sur «Spy» pour visualiser l’œuvre dans une fenêtre de taille normale. Ces deux options nous amènent toutefois à la même image – celle d’une jeune femme en train de dormir, qui semble être filmée par une webcam.
La jeune femme est couchée sur le ventre. Sa tête est détournée et il est impossible de voir son visage. Le plan de la caméra s’arrête juste sous les reins, à la naissance des fesses. Les draps sous la dormeuse sont blancs et froissés, sans signe distinctif. Le mur à l’arrière de l’image est lui aussi muet, sans motif. Aucun autre détail ne vient troubler le décor. De petits caractères rouges au bas de l’image indiquent la date et l’heure en temps réel, seconde par seconde. Lorsque l’internaute déplace le curseur de sa souris sur l’image, le pointeur se transforme en faible faisceau à peine visible qui caresse l’image sans la masquer. Si l’internaute clique sur la dormeuse en dirigeant le faisceau sur son dos, ses bras, ses côtes, ses épaules ou sa nuque, celle-ci semble se réveiller brièvement, troublée dans son sommeil, pour changer de position et se rendormir aussitôt. De plus, si l’internaute dérange la dormeuse un nombre suffisant de fois, celle-ci finit par reprendre sa position initiale et le cycle des petits dérangements peut reprendre à partir du début. Tout au long de ce jeu, la dormeuse ne se retourne toutefois jamais face à la caméra; peu importe le temps que l’internaute passe à l’observer et à la déranger dans son sommeil, jamais il ne pourra voir son visage.
Le nom même de l’œuvre, Adam’s CAM, suggère que nous assistons ici à une scène primordiale: si le regard de la caméra est celui d’Adam, la dormeuse qu’il observe doit être Ève, la toute première femme de l’humanité. Mais ce regard se situe-t-il avant ou après la chute, dans l’Éden ou à l’extérieur du Paradis terrestre? La position du voyeur, le regard du spectateur qui érotise le corps nous fait pencher vers la deuxième option: «la lentille de la caméra engage nécessairement à une objectivation et à une érotisation du corps d’Ève. Elle ne fait pas que dormir, elle s’offre au regard, elle se laisse désirer, sa nudité est une invitation au voyeurisme.» Le regard, ici, n’a rien de pur.
Comme le souligne Bertrand Gervais dans son article «L’effet de présence. De l’immédiateté de la représentation dans le cyberespace», il est toutefois «fascinant» de voir à quel point cet «imaginaire des origines» fait contrepoids à l’imaginaire de la fin habituellement lié au cyberespace. Le spectateur devenu voyeur qui observe la dormeuse vit l’expérience du premier homme: tout s’annihile en-dehors du couple qu’il forme avec la dormeuse, promesse de renouveau. Le spectateur est invité à recommencer le monde.
Mais tout n’est cependant que simulacre: le spectateur ne pourra jamais parvenir à réveiller la dormeuse; les réactions de la dormeuse ne sont en fait que des bouts de films joués en boucle, activés par un clic de souris; et même l’heure, affichée au bas de l’écran, ne fait que creuser le fossé entre le spectateur et l’image (en effet, les secondes et les minutes qui défilent rappellent au spectateur qu’il est prisonnier de son propre temps et ne pourra jamais accéder au temps suspendu de la dormeuse). Plus l’expérience du spectateur progresse, plus le pacte initial qui le retenait à l’écran s’effrite. Bref, la caméra d’Adam (Adam’s Cam) devient rapidement l’arnaque d’Adam (Adam’s Scam).
http://nt2.uqam.ca/fr/repertoire/adams-cam
Texte de Bertrand Gervais sur Adam’s CAM : L’effet de présence. De l’immédiateté de la représentation dans le cyberespace :
http://archee.qc.ca/ar.php?page=article&no=280
FESTIVALS ET EXPOSITIONS
2019 • exposition Surreal /Stereopsia, Bruxelles, BELGIQUE